L’effet Ikea

L’effet Ikea est le nom donné à un biais cognitif*, étudié depuis de nombreuses années, et qui montre que chacun de nous accorde plus d’importance et plus de valeur aux produits ou aux concepts que nous avons partiellement créés.

L’anecdote est connue, mais mérite d’être de nouveau racontée.

Dans les années cinquante, des industriels Américains mettent sur le marché une préparation toute faite pour réaliser des gâteaux. Contre toute attente, cette innovation fut un échec commercial. En effet, les nombreuses femmes au foyer de l’époque, à qui ce produit était destiné, se sentaient dévalorisées dans leur fonction de “spécialistes de la cuisine et de la pâtisserie”. Aucune compétence n’étant requise pour préparer le gâteau, elles refusaient d’utiliser la préparation. Intuition géniale ou flair marketing, l’industriel décida de modifier la préparation et de demander aux utilisateurs d’ajouter un œuf. Tout changea aussitôt. En associant les ménagères à la préparation du plat, l’industriel leur permit d’être réinvesties dans leur rôle et valorisées par une véritable compétence : il fallait participer en ajoutant un œuf. Les ventes décollèrent aussitôt et ne sont pas retombées depuis.

C’est exactement le même phénomène qui a été observé dans l’assemblage de meubles préfabriqués.

En participant, même de manière modérée à la fabrication du meuble, nous transférons vers celui-ci une valeur affective et pécuniaire hors de proportion avec le travail réellement effectué et les compétences requises. C’est ce qui explique en partie le succès mondial du fabricant de meubles Ikea. Les études menées à ce sujet montrent également que les personnes qui participent à l’élaboration ou au montage d’un produit en surestiment ensuite constamment la valeur. Lors des expériences (menées avec des meubles à assembler, des Legos, des origamis), les sujets attribuaient aux objets qu’ils avaient assemblés ou construits tant bien que mal une valeur 63 % supérieure à ces mêmes objets pré-assemblés ou réalisés par de vrais professionnels. Cet effet Ikea joue un rôle important dans de très nombreux domaines, l’un des plus connus est l’immobilier. Il est en effet fréquent que des personnes surestiment leur maison, parce qu’elles y ont investi beaucoup de temps et de passion, en particulier dans la décoration, alors que les acheteurs potentiels n’y voient qu’une maison toute simple.

Et en entreprise… ?

On retrouve également cet effet en entreprise, lorsqu’il s’agit de concevoir une stratégie de communication, un site internet, un logo, une campagne de communication… Élaborés en interne, les projets prennent alors une valeur démesurée et, s’il s’avère qu’ils sont mal conçus ou inadaptés à la réalité du marché, il est malgré tout très difficile de les abandonner car la valeur qui leur est attribuée par l’entreprise est sans commune mesure avec leur réel intérêt. Face à cette problématique fréquente, l’agence de communication, sollicitée pour mener à bon terme un projet, associera volontiers l’équipe dirigeante à la réflexion, puis à la mise en place définitive du projet avec ses équipes. C’est ainsi que le service commercial, le service communication/marketing et le service informatique seront associés le plus étroitement possible à la conception d’un site web ou d’un logo. Outre le fait d’associer le personnel de l’entreprise au projet, ce qui est déjà en soi une bonne chose, l’effet Ikea permettra à tous de s’approprier et de valoriser cette réalisation. Mais attention, de la même manière qu’un échec lors de la construction de l’étagère Billy ou d’une armoire Stålle dévalorise immédiatement le produit, si l’entreprise est trop impliquée dans la conception d’un projet de communication qui dépasse ses compétences, telle que la réalisation d’un logo, alors celui-ci va perdre toute valeur à ses yeux. C’est pourquoi il est important de laisser le professionnel assumer complètement sa part de travail. Cela n’empêche pas d’y être étroitement associé et impliqué, pour la plus grande satisfaction de tous.

* Biais cognitif : Un biais cognitif est une distorsion dans le traitement cognitif d’une information. Le terme biais fait référence à une déviation systématique de la pensée logique et rationnelle par rapport à la réalité. Les biais cognitifs conduisent le sujet à accorder des importances différentes à des faits de même nature et peuvent être repérés lorsque des paradoxes ou des erreurs apparaissent dans un raisonnement ou un jugement. (Wikipedia)